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  • Photo du rédacteurY. Roche et J. Lévesque

Porte-drapeaux et porte-couleurs

Dernière mise à jour : 17 févr. 2018

A l'occasion des JO, la notion de porte-drapeau prend une ampleur particulière. Mais représenter son pays n'est pas aussi simple que cela, et les médailles peuvent avoir leur revers.

Par Yann Roche


Défiler aux JO Quoi de plus révélateur du rôle diplomatique des athlètes que l'intérêt porté, à quelques jours des Jeux de Pyeongchang, à l'annonce faite par les deux Corées de défiler ensemble lors de la cérémonie d'ouverture, sous un "drapeau de la réunification"? Relativement surprenante si on se fie aux incertitudes et aux tensions des derniers mois, la nouvelle l'est un peu moins si on se souvient qu'il existe, notamment en Corée du Sud, un mouvement en faveur d'une éventuelle réunification, et même un ministère de la réunification. Et cette nouvelle est renforcée par l'annonce de la formation d'une équipe de hockey féminin rassemblant des joueuses des deux pays, un geste symbolique mais fort. Représenter son pays

Ces nouvelles mettent l'accent sur le rôle des porte-drapeaux et de l'ensemble des athlètes en tant que représentants de leurs pays respectifs sur la grande scène mondiale des Jeux. Le choix des porte-drapeaux est à cet égard particulièrement significatif et il fait souvent l'objet d'un débat au sein des comités olympiques nationaux, la personne (ou les personnes comme c'est le cas cette année avec les Canadiens Tessa Virtue et Scott Moir) devant être un athlète de pointe, mais aussi le ou la meilleure représentante de la délégation et par extension, du pays. L'un des exemples les plus marquants de ce que cela signifie, notamment lorsque les choses tournent mal, est le cas du Canadien Jean-Luc Brassard à Nagano en 1998. Brillant vainqueur de l'or en ski acrobatique quatre ans plus tôt à Lillehammer, le Québécois avait été choisi pour être porte-drapeau devant des personnalités comme Wayne Gretzky ou Elvis Stojko, ce qui avait froissé quelques plumes au Canada anglais. Conscient de la pression supplémentaire que cela représentait, alors que les qualifications commençaient le lendemain, Brassard n'avait pas exprimé une joie délirante, ce qui lui fut surtout reproché. Il ne devait pas gagner de médaille durant ces Jeux, et avait eu "l'audace", ayant son franc-parler, de regretter que la réception à l'attention des athlètes canadiens se soient déroulée uniquement en anglais. Vertement critiqué, notamment dans la presse anglophone, Brassard ne devait renouer avec l'olympisme que quinze ans plus tard, lorsqu'il fut nommé chef de mission adjoint de l'équipe canadienne à l'occasion des Jeux de Sochi. Compter les médailles

Les performances olympiques, au-delà des exploits sportifs dépassant les frontières comme ceux du Norvégien Johann Olav Koss, de l'Américain Erik Heiden, du Suédois Ingemar Stenmark, des Canadiennes Nancy Greene et Clara Hugues, des Britanniques Torville et Dean (et tant d'autres), ont souvent été l'occasion pour les pays que représentent ces athlètes de récupérer une part de la gloire. Les courses aux médailles sont à cet égard un spectacle toujours divertissant, chaque pays comptabilisant "ses" médailles avec la vigilance d'un Harpagon, planifiant le nombre de podiums espérés dans chaque discipline, pleurant amèrement "ses" défaites lorsqu'un athlète qui était favori ne parvient pas à ramener une précieuse breloque. Divertissante aussi, la manière dont les médias de chaque pays produisent le tableau  des médailles au fil de la compétition, classant les pays selon le nombre de médailles d'or, puis d'argent, puis de bronze ou selon le nombre total de médailles, selon ce qui fait le mieux figurer leur nation. Les États-Unis restent une exception, étant uniquement intéressés par les médailles d'or et faisant peu de cas des médailles "mineures", même si, contrairement aux Jeux d'été, ils ne sont pas ceux qui en ont le plus récolté au fil du temps, battus par la Russie (et l'URSS) et la Norvège. Miroir des tensions internes

Mais le fait d'être un ambassadeur sportif de son pays est une médaille qui a son revers. Décevoir les attentes de ses compatriotes par une "mauvaise performance" peut se révéler coûteux, notamment financièrement vis-à-vis des commanditaires, mais aussi pour la suite de la carrière sportive. Et surtout, les athlètes se trouvent souvent être le reflet des tensions externes (malgré le contre-exemple des deux Corées cette année, certains matchs de hockey entre nations rivales étant particulièrement intenses) mais aussi et surtout internes. Dans des pays aux identités linguistiques multiples, comme la Suisse ou le Canada, ou encore l'Italie, le soutien apporté aux athlètes peut varier selon qu'il appartient ou non à la communauté. La langue d'usage dans la délégation et dans les équipes de sport collectives, la capacité d'une personne de s'exprimer dans l'autre (ou les autres) langues officielles peuvent devenir des irritants magnifiés sous la loupe olympique. Le cas Brassard en fut un exemple patent mais, à chacun des Jeux, les mêmes questions reviennent quant à la représentation des francophones, de la langue française, avec des frustrations des deux côtés des "deux solitudes". La Suisse non plus n'est pas épargnée, les relations entre Suisses alémaniques et romands n'étant pas toujours dépourvues de tensions. Le ciment de la victoire

Il y a fort à parier que la représentativité des athlètes vis-à-vis de leurs pays respectifs refera surface durant les Jeux de Pyeongchang, mais une des constatations que l'on peut faire en se penchant sur l'histoire des compétitions olympiques est que les controverses naissent des déceptions et des contre-performances et que la victoire joue un rôle pacificateur de premier ordre ... jusqu'à la prochaine fois.

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